Article publié dans le magazine Forbes.

A quoi ressemblera l’agence de demain ? Sans prétendre proposer une solution clé en main (ce serait formidable, mais malheureusement cela n’existe pas), je partage douze convictions qui peuvent aider à dessiner le contenu, et, partant, la forme, de cet espace serviciel un peu particulier. Je les développe en deux temps. Six convictions sont donc présentées ci-après.

Une agence plus servicielle et donc plus rentable

Les mètres carrés coûtent chers, la densité des services proposés par m² constitue donc un évident levier. Proposer, en agence, de nouveaux services, a donc un sens, mais en optant pour des services « automatisés », ne sollicitant pas (trop) l’équipe. Proposer, dans cet environnement sécurisé 24/7, un point de retrait pour les achats en ligne a un sens, car cette offre tire parti de notre besoin de réassurance (être sous surveillance vidéo).

Mais cela implique une posture nouvelle de la part des équipes, celle du « commerçant de proximité ». Car les défaillances, ou les premiers pas (ou, plus globalement, le besoin d’assistance de certains clients), interpelleront nécessairement l’équipe en place, lui imposeront une certaine disponibilité. Cette posture « de service », bien que travaillée depuis plus d’une décade par l’ensemble des marques, est loin d’être une évidence pour autant – nous y reviendrons tout au long de cette contribution.

L’agence sera de plus en plus poreuse

D’abord, parce que le « back-office » va entrer en relation avec le client de façon croissante, et que cela perturbe la concentration. Certains concepts ont ainsi positionné des bureaux en première ligne, les portes vitrées invitant les clients à solliciter les conseillers. Mais ces derniers peuvent être en RDV, en visio, travailler sur un dossier… bref, réaliser des tâches qui nécessitent un certain degré de concentration – et donc un minimum d’interruption.

Cela veut dire que la frontière doit être claire, tant pour les clients que pour l’équipe : oser, d’un côté, solliciter une aide ; se montrer totalement disponible, de l’autre, parce que dédié (ou en partie dédié) à une mission de front-line. Au-delà de l’aménagement spatial, la posture, là encore, doit être claire pour les deux parties de la relation de service : le client doit savoir qu’il peut « oser » solliciter la personne qui, très clairement, lui manifeste une forme de disponibilité dans l’espace.

Mais cette plus grande porosité reflète aussi un caractère plus ouvert, sur les autres et sur le monde, ce dont il sera question ci-après à propos de la convivialité, puis des enjeux sociétaux.

L’agence sera plus conviviale

Dans le domaine de l’immobilier tertiaire, on attache aujourd’hui une grande importance à la question du « retour au bureau » et du sens que cela peut avoir. Un haut degré de sociabilité semble constituer alors une évidence : retrouver ses collègues, son manager, pouvoir célébrer tel événement personnel ou professionnel, ou partager plus simplement une pause-café ou déjeuner. En agence, malgré les efforts perceptibles des enseignes, force est de reconnaître que la présence d’une machine à café ne suffit pas à créer un « sentiment » de convivialité.

L’agence demeure un espace froid, silencieux, où règne une atmosphère feutrée. On y favorise (et valorise) peu les relations entre clients, autour d’un café, d’un espace d’attente, chacun considérant que le « RDV avec son banquier » constitue un moment par définition peu propice à la convivialité : l’image du confessionnal me vient à l’esprit, quand la négociation sur des agios s’apparente à la négociation des indulgences…

Bref, là aussi un espace convivialité aura un sens si un « climat » est favorisé, porté par l’équipe, afin d’encourager une posture différente. La banque, comme l’hôpital, est un espace où nous nous rendons « pour le meilleur et pour le pire » : amorcer un nouveau projet qui nous tient à cœur, ou bien gérer la situation d’un compte commun en cas de divorce… Pour autant, dans tous les cas l’ambiance peut être plus légère qu’elle ne l’est aujourd’hui, le sérieux de la profession n’impliquant plus, en 2023, une posture de droiture victorienne, de pudique retenue ou des visages compassés.

L’agence sera plus sociétale

En 2023, les enjeux climatiques comme les effets durables d’une pandémie mondiale ne peuvent plus être considérés comme exogènes : l’agence sera donc plus sociétale, en ce sens qu’elle sera plus manifestement poreuse, ouverte et « sensible » aux grandes questions sociétales. Elle communiquera sur les engagements, mais surtout les actions mises en œuvre par l’enseigne, dans le monde mais aussi localement, au plus près des clients.

Son aménagement intérieur reflétera des partis-pris forts, depuis l’up-cycling (un mobilier constitué d’éléments recyclés ayant eu une autre vie avant d’être transformés) jusqu’au réemploi. Et puis un mobilier issu de l’up-cycling, c’est un style, des couleurs, un décalage, un design qui peuvent attirer l’œil, la sympathie, susciter des échanges entre le conseiller (ou le chargé d’accueil) et un client. Pouvoir déplacer dans un autre registre la conversation habituelle, se montrer curieux et concerné, raconter l’histoire de façon appropriée au client ( « en effet, c’est un mobilier qui a une histoire, je vais vous la raconter… »), c’est s’inscrire dans la convivialité dont il a été question, c’est créé les conditions d’une agence plus relationnelle.

Le sociétal, enfin, qui est aussi un ancrage, une mémoire, s’incarnera dans une proximité plus forte avec les clientèles locales / régionales de l’agence : le Crédit Agricole Alsace-Vosges valorise ainsi son histoire, qui s’est jouée aux côtés des vignerons alsaciens. De simples photos, en agence ou sur les murs d’automates, rendent ainsi visibles une trajectoire, des racines, des femmes et des hommes qui ont contribué à cette histoire, loin de l’image froide et désincarnée de tant d’agences.

L’agence sera plus attentionnée

Symétrie des attentions, éthique du care, management bienveillant… Nombreuses sont les approches qui mettent en lumière l’importance du « prendre soin » : prendre soin de nos équipes, prendre soin de nos clients, prendre soin de nos écosystèmes. L’agence sera donc plus attentionnée, dans sa capacité à mettre en valeur ses équipes, leurs métiers, mais aussi l’écosystème de la banque – ses partenaires, ses clients « exemplaires », etc. (où l’on rejoint, ici, ce qui est dit plus haut sur la question sociétale).

L’agence sera le réceptacle d’une vie de quartier (ou de village) dans laquelle elle doit mieux prendre place, jouer un rôle pivot : publier des petites annonces, dédier un petit espace aux initiatives de ses clients et partenaires… Elle se montrera de plus en plus à l’écoute de son environnement proche comme lointain. Valoriser, reconnaître, considérer, sont trois verbes essentiels qui doivent aider à composer le « décor » de l’agence comme la posture de l’équipe.

Plus mobile, plus éphémère, moins figée

L’agence s’ouvrira sur la rue, sur la place publique, sur son quartier, à l’occasion d’une opération particulière (toucher les étudiants en amont de la rentrée universitaire, par exemple) : l’agence pop-up « hors les murs » se développera, pour créer de l’inattendu, pour s’ancrer davantage dans son quartier, promouvoir ses offres mais aussi valoriser ses métiers, faire de la marque employeur. Là encore, accueillir des clients, des prospects et/ou des candidats au mois de juin, sous un parasol, pour discuter des projets à venir, c’est créer une expérience qui détonne. En ce sens, l’agence sera plus proactive, moins passive dans ses modalités d’accueil : en se montrant plus ouverte, plus accueillante, et, finalement, plus accessible, elle donnera envie de se rapprocher, d’engager une conversation. On le mesure ici encore, la posture adoptée par l’équipe ne sera pas anodine.

Retrouvez la partie 2

Benoît Meyronin